samedi 26 décembre 2009

PARTIE VIII, 1. « outcast »

J’ai fini par quitter mon chez moi. Il était évident qu’ils feraient une descente, car je n’allais plus à l’hôpital pour mes injections retard…
Les sans abris sont des êtres à part, « outcast ». Sous d’autres latitudes ses Sadou seraient considérés comme des sages. Nous avons beaucoup à enseigner. Au lieu de passer à côté en faisant semblant de ne pas nous voir, vous devriez vous asseoir sur le macadam. C’est ce que je fis sous les arcades des galeries marchandes entre un voyagiste et un bureau de tabac. Lors de mon autre vie, je l’avais déjà vu à de nombreuse reprises, Pierre. Un type chaleureux au tempes grisonnantes qui avait pour compagnons de route une flopée de chat. Il m’a tout de suite bien expliqué les choses :
« Deux clodos qui font la manche ensemble, ça gagne pas un rond. Faut comprendre que la peur est multipliée… »
Son truc à lui pour apitoyer c’était les chats. Les gens donnent plus qu’en y a des animaux en jeu. Pierre, il avait du chemin dans les pattes et c’était un malin. Dans la discussion il m’a montré les photos de sa famille. Personne ne savait ce qu’il devenait, silence radio.
« La fatalité ma petite »
Il m’a expliqué qu’en l’espace de quelques mois un engrenage l’avait emmené ici bas. D’abord la perte de son boulot comme conducteur poids lourds, puis l’alcool, la dépression, et enfin la séparation…
« J’ai pas pu remonter la pente. Tu sais ca va vite, les emmerdes, tout ca… Un jour on a tout, et le lendemain pfuit disparut ! Tout ce qui me restait, c’était des bouteilles vides et les factures qui s‘empilaient... Alors je me suis enfuit »
Nous sommes restés jusqu’à la fermeture des commerces. La recette fut maigre comme les petits chats qui tentaient de téter mon pull en laine. A coup de gros rouge nous combattions l’hiver qui s’annonçait rude. Accentué par le mauvais vins et les souvenirs que j’ai dus ranimé; les larmes dévalant sa couperose, il m’exprima son souhait de rejoindre en train les siens. S’il y avait un mince espoir de pouvoir tout recommencer, il voulait le saisir… Son discours m‘a émut.
« Et toi, je ne sais pas pourquoi tu ne veux pas me dire ton nom, mais je suis sûr que quelque part, on t’attend aussi ? »
Sur une devanture illuminée, il y avait promotion pour « nowhere ». Je lui répondis que je savais exactement où j’allais, et qu’au bout je saurai reconnaître les miens. Dans un geste qui me couta le fruit de mes dernières passes, je lui donna l’argent nécessaire pour le trajet.
Il resta interloqué un bon moment, lorsque je lui dis de prendre : « Pas de merci, car j’ai reçu une des plus grande leçon de mon existence. Tu ne sais pas à quel point ce cadeau m’est précieux. » Ses yeux brillaient devant la projection futur de ses actes, avant de m’embrasser. Nous vibrions d’émotions, transit et lumineux. Tout deux avançant au-devant de nos destiné…
Les mains sur mes épaules, son regard était emprunt de sens. Il voulait dire :
« Je ne saurais peut être jamais qui tu es, cependant il y a de l’espoir en ce monde. Tu viens juste de le démontrer. »
Était-ce réellement un acte désintéressé ? En tout les cas, j’ai trouvé du réconfort dans cette obole à l‘indigent. Quelque chose m’a effleuré au moment même du don, l’idée de recevoir en retour une grâce. Oui, c’était cela, j’avais fait preuve d’humanisme en ne jugeant pas une entreprise vouée certainement à l’échec…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire