samedi 26 décembre 2009

I, 3. Le vent du changement

Le vent du changement dissémina les graines pour le prochain cycle. La transformation ce fit imperceptible. Peu à peu les jours se teintèrent d’ombres. Et comme l’arbre d’automne, je me défit de mes parures…

La solitude peut rendre fou. Je l’ai vécu, je peux en témoigner. Nous avons beau chercher du regard le visage des passants, ils restent inconnus. Détournés ou vaguement menaçant, ils déstabilisent par leur éloignement. Savez-vous qu’au Moyen Âge un suzerain fit l’expérience d’élever plusieurs nouveaux nés, sans le contacte tactile ou vocale des nourrisses ? Invariablement, ils décédaient de cette insuffisance de stimuli…
Je ne suis pas là à dire que mon enfance fut éloigné de celle des autres. Ni que mes parents me battaient, ce qui serait en soit une forme de stimulus… Non, au contraire. J’ai plutôt été choyé, dans un environnement petit bourgeois. Mes désirs de consommation ont toujours été satisfait dans une juste mesure et je ne manquais ni d’attention, ni d’amour. Alors ne les jugez pas !
A bien des égards, je pense que la multiplicité des choix de vie m’ont fait m’arrêter en chemin… Ou formuler autrement en y amenant une précision; je dirai que percevoir ce qui était inéluctable, m’arrêta au chevet de l’humaine condition…
Alors je me branlais, je me branlais tellement que je faillis en perdre mon frein…
En société l’on me dit plutôt avenant. Mais en vérité, ils ne voient pas le monstre froid et calculateur, faisant d’énorme effort de contenance…
Un jour, j’ai rencontré l’un des miens. Nous nous reconnaissons entre nous. Il m’avait dit avoir forgé sa personnalité par tâtonnement, en observant les stars de cinéma; et colla ce qui fonctionnait généralement…
Notre relation fut de courte durée. Vous savez ce qui arrive lorsque l’on met deux mâles dans une cage ?

Détrompez-vous, si vous pensez pouvoir me confondre dans votre univers factice. J’ai l’œil et le bon, je vous détricoterai avant. Je suis la menace souterraine, l’étranger de Lovecraft…
Or donc, une enfance tout à fait normale. A quoi cela sert de ce justifier ? A ceci près que mes parents connaissaient un médecin généraliste devenu leur ami, car me suivant depuis la naissance. J’ai des souvenirs éparses de cette période. Toujours est-il que je me souviens avoir été chez lui. Monsieur collectionnait les armures d’époque, et les armes. Autant vous dire que pour un enfant, c’était un véritable conte de fées… Je m’imaginais preux chevalier, défendant la veuve et l’orphelin dans des combats épiques; tout en continuant chez moi avec mes playmobiles… Ha ! L’imagination enfantine… J’ai également le souvenir ému de la lance du docteur, qui me traitait pour érythème fessier…
Je lui doit également de m’avoir réconforté, lorsque sortant d’un cauchemar, dans lequel je me trouvais pris au piège dans la cave de notre maison familiale; je sanglotais sur la prise de conscience de ma propre fin…

Que croyez-vous ? Moi aussi j’aspirai à votre quiétude terne, vos aspirations vaines… J’ai même souscrit une assurance vie, et, trouvé un job stable…
Pour un temps, je croyais être sorti de mes turpitudes en rencontrant Marie. J’adhérais enfin à un style de vie, qui pour être en marge, n’en était pas pour autant socialement réprouvé. Nous étions des oiseaux de nuit. Et je ne la voyais que deux ou trois jours par semaine du fait de l ‘éloignement de mon lieu de travail. Mais à chaque fois cela était une fête. Elle m’idéalisait pour ma verve et mon décryptage du monde en technicolor. Je l’appréciait à ma manière, car elle était passive et me passait mes travers. C’est-à-dire que j’étais souvent ivre, lorsque de jour comme de nuit, je la baisais… En fait elle aimait ça.
La première fois qu’elle me fit accéder à son appartement, c’est elle qui me demanda de l’enculer parce qu’elle avait ses règles. Elle fut tellement heureuse de l‘esprit d‘entreprise qui m‘anima durant nos ébats, qu’une fois apaisée; elle me joua un air de sa composition, avec sa flûte traversière, nue comme au premier jour… Un moment gravé à jamais dans ma mémoire. Je m’y employa…
Mais toute chose à une fin comme dirait Monsieur. La psychologie d’une femme est chose complexe, et je savais Marie fragile. Le couple que formait sa sœur d’avec son VRP en peinture était plus qu’insupportable. Dès que je les aie vu, eux, et leur écran LCD 80cm dont le concubin me fit l’article pendant un quart heure, suffisait à faire rendre l’âme n’importe quel client…
Sur le balcon, fumant ma cigarette en silence, les femmes préparaient le diner; et lui, sur le ton de la confidence, m’a dit qu’ils essayaient en vain de faire un enfant. Je n’y vis pas de menace sur l’instant… et tendis un doigt vers la scène du dehors : un chien se faisait battre par son maître, mais celui-ci s’avançait systématiquement vers son bourreau dans des jappements de supplique, accélérant la fureur de la main…

Lorsque l’on s’aperçoit que nous ne sommes plus suffisant, qu’elle est l’action à entreprendre ?


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